Emmanuel Pisani (E.P.) : Cette naissance de l’Enfant Jésus est-elle un conte ?
Georges Lauris (G.L.) : La naissance de Jésus de Nazareth à Bethléem n’est pas un conte, mais un Evénement raconté avec cette naïveté qu’est la tendresse humaine. Cette naissance est rapportée par Luc, l’évangéliste tendre. Elle a, paradoxalement, à la fois la taille d’un fait divers et la gloire du merveilleux. C’est ce contraste qui l’assimile au conte. Le croyant seul fait de ce récit la vraie lecture : l’Evénement historique et transhistorique, enraciné à la fois dans la lumière de Dieu et cette cavité est la nuit terrestre.
E.P. : On a cependant vraiment l’impression de vivre dans un univers imaginaire !
G.L. : Oui, mais l’impression est aussi la vérité d’être dans le merveilleux. C’est l’inimaginable qui est réalisé : Dieu fait chair ; Dieu non seulement sous forme humaine, mais au plus bas de l’humain : Dieu fait gosse, Dieu fait gamin, Dieu issu de la femme, Dieu dans un berceau de paille.
E.P. : Ce style poétique, merveilleux se retrouve-t-il dans d’autres épisodes de la Bible ?
G.L. : Parfaitement. Je dirai même qu’on y trouve des contes pour enfants. Dès l’âge de sept ans, alors même que l’on n’est qu’un enfant, on peut déguster les aventures de Babel, du Déluge, de Jonas, des trompettes de Jéricho. Josué arrête le soleil comme mon père a arrêté l’ennemi à Verdun. Quant à cette baleine qui a accordé l’hospitalité à Jonas, n’est-elle pas extraordinaire ? Quand on me lut la Bible pour la première fois, ma mère trouva les mots pour m’expliquer combien Dieu aimait et respectait les enfants. Ces récits emplis de merveilleux sont tout simplement la vérité à portée des enfants. Et de fait, il faut savoir être enfant pour comprendre la vérité. La vérité est si grande qu’il faut avoir le coeur d’un enfant parce que lui seul a le coeur ouvert sur l’infini. Sur terre, il n’y a pas coeur plus gros que celui d’un petit. Et Jésus n’a pas dit autre chose dans l’évangile selon Saint Matthieu : « Si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. » (Matthieu 18,3).
E.P. : Comment peut-on affirmer sans être pris pour fou que cette histoire, racontée sous la forme d’un conte, est vraiment la réalité ?
G.L. : Qui donc est fou ? Le croyant ou celui qui reste à la porte de l’étable de Bethléem ? Il fut un temps ou dans les campagnes, les hommes qui assistaient aux obsèques ne rentraient pas dans l’église. Et les femmes, le chapelet à la main, soupiraient : « Mon Dieu, pardonnez aux pauvres fous. Comme les papillons, ils se heurtent à la lumière et s’aveuglent. »
Source : Emmanuel Pisani (dir.) – Georges Lauris – 100 questions sur Dieu – Artège